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Quand la bière retrouve la fermentation spontanée

Quand la bière retrouve la fermentation spontanée

La fermentation spontanée fait son retour dans le monde de la bière artisanale. Cette technique vieille comme le monde, qui a failli disparaître avec la montée en puissance des brasseries industrielles, revient aujourd'hui en force dans le milieu craft. Et franchement, ça fait plaisir à voir.

Comme nous l'avons exploré dans notre article sur comment la température de fermentation influence le caractère de votre bière, les conditions dans lesquelles les levures travaillent déterminent fondamentalement le profil gustatif du produit final. La fermentation spontanée pousse cette logique encore plus loin en abandonnant complètement le contrôle sur les micro-organismes qui transformeront le moût en bière.

Ce qui rend cette méthode si spéciale ? Sa simplicité et son audace. Le processus est direct : on laisse le moût refroidir à l'air libre, et les levures et bactéries naturellement présentes dans l'environnement se chargent de la fermentation. Pas de levures ajoutées, pas de contrôle absolu – juste une confiance dans la nature et son timing.

La fermentation spontanée: un voyage dans l'histoire et les traditions brassicoles

Aux origines d'un art brassicole essentiel

En réalité, la fermentation spontanée n'est pas une nouvelle technique, mais plutôt un retour aux sources. Les premières bières de l'histoire fermentaient toutes de cette façon, simplement parce qu'on ignorait l'existence des levures avant les découvertes de Pasteur au 19e siècle.

Les brasseurs d'autrefois ne comprenaient pas exactement pourquoi leur moût se transformait en bière, mais ils avaient remarqué que l'opération fonctionnait mieux à certaines saisons et dans certains lieux. Ils transmettaient ces connaissances empiriques de génération en génération, créant sans le savoir les premiers terroirs brassicoles.

L'apparition des levures de culture pure dans les années 1880 a bouleversé le monde de la bière. Pouvoir contrôler précisément la fermentation a permis d'industrialiser la production, mais a aussi standardisé les goûts. La fermentation spontanée est alors devenue l'exception plutôt que la règle.

La Belgique, gardienne de la flamme

Si vous cherchez l'épicentre mondial de la fermentation spontanée, direction la Belgique et plus précisément la région du Pajottenland, aux environs de Bruxelles. C'est ici que le lambic, cette bière emblématique à fermentation spontanée, s'est développé et maintenu à travers les siècles.

Le climat belge joue un rôle important dans cette histoire. Les hivers sont assez froids pour limiter le développement de bactéries indésirables, mais pas trop rigoureux pour empêcher l'activité des bonnes levures sauvages. Les producteurs traditionnels comme Cantillon, 3 Fonteinen ou Lindemans brassent toujours selon les méthodes d'antan, avec des bacs de refroidissement ouverts (koelschip) et une patience à toute épreuve.

Le lambic se décline sous plusieurs formes : pur, vieilli en fût (oude lambiek), assemblé de plusieurs millésimes (gueuze), ou encore enrichi de fruits (kriek aux cerises, framboise aux framboises). Chaque variation offre une expérience gustative différente, mais toujours marquée par une acidité rafraîchissante et une complexité unique.

Préserver un savoir-faire unique

Dans les années 1970, la fermentation spontanée semblait vouée à disparaître face à l'uniformisation des goûts. Quelques brasseurs résistants continuaient à pratiquer cette technique par conviction, devenant les gardiens d'un patrimoine brassicole en péril.

La renaissance des brasseries artisanales a heureusement inversé cette tendance. Des brasseurs curieux aux quatre coins du monde redécouvrent aujourd'hui ces méthodes traditionnelles et les adaptent à leurs environnements locaux. Cette nouvelle vague s'appuie sur les traditions tout en les faisant évoluer, preuve que l'innovation peut aussi passer par la redécouverte du passé.

En 2019, la reconnaissance des techniques de fabrication du lambic par l'UNESCO comme patrimoine culturel immatériel a confirmé l'importance de préserver ces méthodes. Au-delà d'une simple technique de production, c'est tout un pan de l'histoire et de la culture brassicole qui se trouve ainsi valorisé.

L'inspiration belge dans les brasseries modernes

L'influence des traditions belges rayonne aujourd'hui dans de nombreuses brasseries artisanales. Même sans pratiquer la fermentation spontanée au sens strict, beaucoup s'inspirent de ses profils aromatiques et de sa philosophie.

C'est le cas de l'Estafette, la triple belge de La Nébuleuse. Avec ses arômes fruités de banane et d'abricot, complétés par des notes de caramel, de malt et d'épices, cette bière rend hommage à l'art brassicole belge. Brassée avec une levure WLP 530 spécifique, elle capture l'essence des triples belges traditionnelles tout en apportant une interprétation contemporaine.

La magie scientifique derrière les saveurs uniques

Du koelschip à la bouteille : le processus dévoilé

La fermentation spontanée commence par un brassage relativement classique. La différence majeure apparaît au moment du refroidissement. Au lieu d'utiliser un échangeur thermique fermé, les brasseurs versent le moût chaud dans un large bac peu profond appelé koelschip (ou coolship en anglais).

Ce bac, traditionnellement en cuivre, est placé sous les toits des brasseries, souvent près de fenêtres ou de persiennes ouvertes sur l'extérieur. Pendant la nuit, le moût refroidit et se trouve exposé aux micro-organismes présents dans l'air. C'est à ce moment que la magie opère : des dizaines d'espèces de levures et bactéries différentes s'installent dans le liquide et amorcent la fermentation.

Une fois inoculé, le moût est transféré dans des fûts de chêne qui accueilleront une fermentation longue et complexe. Contrairement à une fermentation classique qui dure quelques jours ou semaines, celle-ci s'étend sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Pendant cette période, différents micro-organismes travaillent successivement, créant une évolution constante des arômes et saveurs.

Les acteurs invisibles : micro-organismes et terroir

La fermentation spontanée met en scène une diversité impressionnante de micro-organismes. On y trouve bien sûr des levures Saccharomyces (les mêmes que dans les fermentations classiques), mais aussi des Brettanomyces, des bactéries lactiques comme Pediococcus et Lactobacillus, et parfois même des levures de type Candida ou Pichia.

Cette communauté microbienne varie selon les régions, les saisons et même d'une brasserie à l'autre. C'est pourquoi on parle souvent de terroir pour ces bières – un concept habituellement réservé au vin. Le lieu de production imprime sa signature jusque dans les éléments microscopiques qui participent à la fermentation.

En Belgique, certaines brasseries centenaires possèdent des écosystèmes microbiens uniques qui se sont développés au fil des décennies dans leurs murs, leurs fûts et dans l'air environnant. Ces cultures spécifiques constituent un patrimoine vivant aussi précieux que les recettes elles-mêmes.

Le climat joue également un rôle à ne pas négliger. La fermentation spontanée traditionnelle n'est possible que pendant les mois froids (généralement d'octobre à avril), quand les températures nocturnes sont suffisamment basses pour refroidir le moût et quand les bactéries indésirables sont moins présentes dans l'air.

L'alchimie gustative : d'où viennent ces saveurs si particulières ?

Les profils aromatiques exceptionnels des bières à fermentation spontanée s'expliquent par cette diversité microbienne et par la durée du processus. Chaque type de micro-organisme contribue avec ses propres notes :

  • Les Saccharomyces apportent les arômes classiques de fermentation (fruitée, épicée)

  • Les Brettanomyces créent des notes caractéristiques souvent décrites comme "funky", évoquant le cuir, le foin ou les fruits très mûrs

  • Les bactéries lactiques génèrent l'acidité et des notes yogourt, citron ou pomme verte

  • D'autres micro-organismes ajoutent des nuances supplémentaires, parfois florales ou terreuses

Cette complexité s'amplifie avec le vieillissement en fût, où le bois cède ses tanins et permet une micro-oxygénation qui transforme progressivement les saveurs. Après des mois ou des années, le résultat est une bière à multiples couches aromatiques, avec une acidité rafraîchissante et une profondeur rarement atteinte dans d'autres styles.

L'équilibre parfait entre acidité, amertume et douceur résiduelle fait de ces bières d'excellentes compagnes à table. Leur complexité permet des accords mets-bières surprenants, des fromages aux desserts en passant par les plats épicés où leur acidité joue un rôle rafraîchissant.

Conclusion : un héritage vivant qui continue d'inspirer

La fermentation spontanée nous rappelle quelque chose d'essentiel : même à notre époque ultra-technologique, certaines choses ne peuvent être précipitées ou complètement contrôlées. Ces bières nous invitent à redécouvrir la patience, l'observation et l'acceptation d'une certaine forme d'imprévisibilité.

Le renouveau d'intérêt pour ces techniques traditionnelles témoigne d'une évolution dans notre rapport à l'artisanat et à l'authenticité. En cherchant à retrouver des saveurs d'antan, nous revenons finalement à l'essence même de la bière : une boisson vivante, intimement liée à son environnement et au savoir-faire de ceux qui la produisent.