Comment 20 brasseurs créent 35 bières avec un seul moût ?

Février 2017, nos cuves de Renens. Scénario digne d'un laboratoire fou : vingt brasseurs suisses, un seul moût Porter, résultat final trente-cinq créations uniques. Impossible ? Pas quand on s'appelle Wortspiele.
Ce "jeu avec le moût" transforme la concurrence en coopération créative. Une expérience révolutionnaire qui illustre comment l'esprit craft révolutionne les codes traditionnels et transforme radicalement le paysage brassicole helvétique depuis l'abolition du cartel de 1991.
Mais comment diable fait-on pour multiplier par trente-cinq un seul moût ? Attachez vos papilles, on vous explique tout.
20 brasseurs, un moût Porter, 60 litres chacun
La recette de base : 60 litres par artisan, liberté totale ensuite
L'équation semble simple : nous préparons un moût Porter de base, nous le distribuons équitablement entre vingt participants. Soixante litres chacun, comme des étudiants qui se partagent équitablement les photocopies avant l'exam.
Sauf qu'ici, pas question de rendre la même copie. Chaque brasseur repart avec sa portion et là, c'est le free-for-all créatif. Levures personnelles, épices secrètes, techniques de grand-mère ou innovations de laboratoire : tout est permis.
Imaginez un concours de cuisine où tous les chefs partent avec les mêmes ingrédients de base mais peuvent ajouter tout ce qui leur passe par la tête. Résultat garanti : ça va exploser dans tous les sens.
Notre brasserie transformée en QG collaboratif
Nos murs renanais se sont métamorphosés en centre névralgique de cette folie organisée. Logistiquement, c'était du sport : coordonner vingt ego créatifs, gérer la distribution du précieux moût, éviter que le brasseur de Genève pique les levures de celui de Fribourg.
La beauté de Wortspiele ? Transformer la rivalité naturelle entre artisans en laboratoire collaboratif déjanté. Au lieu de se jalouser mutuellement, nos collègues brasseurs échangent leurs secrets comme des gosses qui tradent leurs cartes Pokémon.
La Basebeer témoin de contrôle à 5,2%
Porter classique comme référence de mesure
Au milieu de cette effervescence créative trônait notre Basebeer. Sage au comptoir pendant que ses cousines explosaient d'innovation. Cette version Porter classique à 5,2% jouait le rôle du témoin de contrôle, comme dans toute expérience scientifique qui se respecte.
Fidèle aux codes du style mais sans chichi, notre Basebeer servait de boussole gustative. Impossible d'évaluer les audaces créatives sans connaître le point de départ. C'est comme essayer de mesurer la vitesse sans chronomètre.
Pendant que certaines créations intégraient des fruits de la passion et d'autres fermentaient avec des levures capturées dans les Alpes, elle restait là, imperturbable, permettant à chaque visiteur de comprendre la genèse de toutes ces folies.
Comment chaque brasseur a transformé sa portion de moût
Techniques et ingrédients utilisés par les participants
Le résultat final défie les lois de la probabilité gustative : trente-cinq bières uniques nées du même ADN Porter. Le spectre s'étendait du respectueux de la tradition au complètement barré.
Certains ont joué la subtilité, d'autres ont appuyé sur le champignon de l'innovation. Fruits exotiques, épices de contrebande, levures sauvages capturées au lasso, techniques dignes d'un laboratoire spatial : chaque approche racontait l'histoire de son créateur.
L'événement de dégustation ressemblait à une galerie d'art liquide. Chaque création portait la signature de son artisan, comme des empreintes digitales brassicoles. Cette dynamique collaborative unique créait des connexions durables dans notre écosystème.
La création de La Nébuleuse : Wort X cannelle-fraise à 6%
Dans le panthéon des créations mémorables, notre Wort X mérite sa médaille d'or de l'audace. Cette "bombe à la cannelle" à 6% incarnait notre philosophie du "pourquoi faire simple quand on peut faire spectaculaire".
Notre duo explosif ? Fraises et cannelle. Pas un soupçon, pas une pointe : une déferlante aromatique. Les dégustateurs téméraires parlaient d'une "explosion de cannelle" qui débarquait avec la subtilité d'un bulldozer parfumé.
L'intensité folle contrastait avec une texture étonnamment veloutée. Les fraises se faufilaient entre les épices comme des notes discrètes dans une symphonie de Noël débridée. Wort X était notre variable X, l'inconnue qui bouleversait tous les calculs gustatifs.
L'impact sur l'écosystème brassicole
Consolidation d'un réseau durable de partenaires locaux
Wortspiele #3 ne s'est pas contenté de produire trente-cinq bières éphémères. Cette expérience a tissé un réseau durable qui irrigue encore nos projets d'aujourd'hui.
Les liens créés lors de cette collaboration dépassent le simple échange commercial. Conseils techniques, prêt de matériel, partage de fournisseurs : nous avons créé une dynamique d'entraide qui élève tout l'écosystème.
Plutôt que voir la concurrence comme une menace, nous privilégions cette coopération créative. Comme des hackers bienveillants qui partagent leur code plutôt que de le garder secret.
Ce que l'organisation de l'événement nous a appris
Organiser un tel événement nous a enseigné des leçons précieuses sur la gestion diplomatique des personnalités fortes. Vingt visions différentes, vingt approches, vingt manières de concevoir la même base : l'exercice demandait un équilibre subtil.
Le format Wortspiele a depuis été adapté dans d'autres régions, preuve que ces initiatives collaboratives transforment durablement le paysage craft.
Cette expérience nous a convaincus : l'innovation naît de l'échange plutôt que du secret jalousement gardé. Comme dans l'open source, le partage démultiplie la créativité.
L'héritage durable de cette expérience collaborative
Wortspiele #3 restera comme cette expérience où nous avons prouvé qu'un même point de départ peut générer une infinité de destinations créatives. De notre sage Basebeer témoin de contrôle à l'explosive Wort X cannelle-fraise, chaque création raconte une histoire unique.
Mais surtout, ensemble, elles racontent l'histoire de notre communauté : celle d'artisans qui préfèrent collaborer plutôt que se faire concurrence. Car finalement, Wortspiele nous a enseigné que la vraie révolution craft ne se joue pas dans les cuves.
Elle se joue dans cette capacité à transformer la rivalité en créativité partagée. Une leçon qui perdure dans chaque collaboration que nous menons aujourd'hui.
Cheers 🍻